Ils ont fait rêver les États-Unis d’Amérique. Un continent tout neuf, découvert il y a quelques centaines d’années. Tout à faire, tout à inventer. Pour beaucoup, la colonisation du continent a été l’occasion de se débarrasser du carcan des vieux pays. La liberté, quoi! Et cette aura a perduré, s’est renouvelée à travers les siècles. Les nombreuses vagues d’immigration en témoignent, emportant avec eux leurs aspirations, leurs cultures. Ces gens ont bâti un pays à leur image : diversifié, bouillonnant, plein de contradictions. D’un état à l’autre, d’une ville à l’autre, on a peine à croire qu’il s’agit d’un seul et même pays. Une ville tout à fait à l’image des États-Unis est Chicago. Tour à tour peuplée par des Amérindiens, explorée par les coureurs des bois français, reprise par les Britanniques pour enfin devenir américaine, Chicago possède un passé digne d’un roman. Reconnue pour son urbanisme et son architecture, elle nous rappelle à plusieurs égards les grandes villes européennes. Toutefois, elle s’est si bien appropriée ces concepts qu’elle est maintenant un modèle pour nombre d’entre elles.
À mon arrivée, mes jambes sont engourdies de toute cette route parcourue depuis deux jours – mon cerveau aussi, mais pour une autre raison que vous savez déjà. Le temps de déposer les bagages et on est parti.
C’est la fin de soirée. Nous voulons manger de l’indien. Spécifions ici que je n’ai pas croqué d’humains d’origine indienne. Il s’agit d’une ellipse. C’était un petit aparté pour ma mère. Incapable d’ingurgiter une fois de plus de la junk commerciale qui goûte l’autoroute, il me faut de la saveur.
Nous traversons un quartier résidentiel. La nuit tombe. Les lumières éclairent l’intérieur des maisons. Et quelles maisons! Pour beaucoup, il s’agit de vieux logements, étroits et en pierres, rénovés au goût du jour. La structure d’origine, maintenant percée de grandes fenêtres, a gardé tout son charme. Sur plusieurs d’entre elles est encore perché le cadavre de château d’eau. Sincèrement, cet amalgame est tout à fait génial!
Enfin à table, je ne rêve d’une chose : un verre de blanc. Une fois la demande faite auprès du serveur, il m’a souri, exigeant de voir une carte d’identité. Avec le froncement de sourcils auquel mon permis de conduire a eu droit, je crois qu’il m’a cru sur parole sans prendre le temps de le déchiffrer. Il était bon ce blanc. En fait, ce fait divers s’est reproduit chaque soir. De quoi penser que l’air états-unien me rajeunit.
Le lendemain, armés de souliers pas si confo que ça finalement, tels des Marquette et des Joliette, nous sommes allés à la découverte de la ville. Direction : le bord du lac Michigan.
Étrangement, on peut dire que le Chicago moderne est né d’un incendie qui a rasé la presque totalité de la ville en 1871. C’est à la fin de ce siècle que Chicago a connu son essor. Les bâtiments et institutions qui font encore la renommée de la ville ont été bâtis à cette époque. Pensons au Musée de la science et de l’industrie, l’École d’architecture de Chicago et le tout premier gratte-ciel au monde le Home Insurance Building. Pour célébrer la résurrection de la ville, en 1893, Chicago a accueilli l’Exposition Universelle. C’est à ce moment que sont nés Navy Pier et sa grande roue, aux abords du grand lac.
C’est aussi à ce moment que le quartier financier est délimité par le métro aérien, lui donnant par le fait même son nom : The Loop.
Et qu’est apparu l’art dans l’espace public. En marchant dans la ville, on croise les œuvres de Picasso, de Miro et plus récemment, la fameuse Bean.
Tout autour de nous, des gratte-ciel (gratte-cieux?) néo-classiques, néo-gothiques, art-déco et j’en passe. Ils bordent de larges artères rappelant celles des grandes villes européennes. Nous traversons la rivière Chicago sur un pont de fer qui pourrait être levis. Sous ses boulevards, il y a une vie insoupçonnée par la touriste que je suis. Pour tout vous dire, Chicago signifie champs d’oignons, moufette et marécage. Vous dire l’odeur pestilentielle qui devait régner dans la région. Mais retenons qu’au départ, Chicago s’est construite sur un marécage. Qu’à cela ne tienne, pour éviter de vivre les pieds dans l’eau, le niveau des rues et de plusieurs bâtiments a été surélevé. Ce qui était donc initialement le rez-de-chaussée est devenu le sous-sol. Pourtant, tout un réseau existe encore à ce niveau, abritant stationnements, restos et boutiques.
Trois jours et quelques poussières, c’est peu pour saisir une ville aussi éclectique. Chicago a vu naître les premiers gratte-ciel, le Jazz, des mouvements pour l’amélioration des conditions de travail des ouvriers. Elle possède une âme faite de chemins de fer, de poutres d’acier, de pizza et de hot-dog, mais surtout de gens ayant des racines des plus diverses. On sent encore que la ville est animée par un bouillonnement créatif qui la renouvelle sans cesse. En visitant Chicago, j’ai presque cru au rêve américain.